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Le jour. D'après fred sabourin

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

18 Juillet 2019 , Rédigé par F.S Publié dans #Lettres à ..., #montagne, #émerveillement

- Encore un matin -

- Encore un matin -

Il y a des matins. Des matins difficiles, des matins chagrins, des matins du bon pied, des matins du mauvais pied. Des matins à pied d’œuvre, des matins sans espoir, des matins à se recoucher. Il y a des bons matins. Il y a des « encore un matin, un matin pour rien, une argile au creux de nos mains ». Il y a des matins de fin de mauvaises nuits, des matins d’insomnies, des matins de génie. Il y a des matins où l’on ne voit rien et des matins où l’on voit bien, des matins sans problèmes. Des matins d’avenir. Des matins d’amour. Des matins de « thé ou café ? ». Il y a des petits matins redoutés, des matins espérés, des matins de condamnés, des matins de damnés, des matins d’assoiffés. Des matins en marche...

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

J’aime les matins. Je les préfère aux soirs, malgré les prodigieux spectacles de couchers de soleil flamboyants, romantiques, poétiques, abracadabrantesques. J’aime les matins et leurs nuances de jour, promesses de l’aube pour un monde nouveau. Une renaissance solaire quotidienne. J’ai déjà eu l’occasion de décrire le prodigieux spectacle de petits matins en montagne où l’on ne sait si le jour va naître ou si la nuit va recommencer. J’aime les matins en montagne parce qu’ils sont infiniment plus beaux que les soirs. Ils « sentent » quelque chose, une odeur de roche encore ensommeillée, humide et fraîche, la sueur nocturne des Pyrénées. Les matins offrent, à qui peut les voir, une énergie vitale que la montagne veut bien, en de rares instants, partager avec l’Homme.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Depuis déjà deux ans, je t’emmène voir ces paysages aimés, près d’un lac dans la vallée d’Ossau, le lac Gentau, sous le refuge d’Ayous. Pour la troisième fois en juillet nous nous y sommes retrouvés, dans ce décor de carte postale où le Pic du Midi d’Ossau, s’il le veut bien, se reflète le soir dans le lac, offrant un spectacle touchant que beaucoup viennent voir exprès. On jurerait parfois une photo retouchée, mais non : si aucun souffle d’air ne ride le lac, si le ciel est parfaitement dégagé, si la mer de nuage s’arrête à ses pieds, alors le spectacle est grandiose. Même les bavards (et bavardes) finissent par se taire, et admirent. C’est un moment de grâce qui se répète plusieurs fois dans l’année, mais pour le voir encore faut-il habiter à côté…

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Ces deux dernières années, tu étais couché au moment où le soleil faisait de même, embrasant le pic dans le grand incendie du soir. Cette année, ton âge augmentant, je m’étais promis de t’offrir ce moment de grâce à nul autre pareil. Pas de chance : le premier soir un brouillard épais a tout enveloppé. On ne voyait plus ni le lac, ni notre tente, à peine le bout de nos pieds. Le plaisir de la montagne, c'est aussi quand on ne voit rien...
Au réveil, le soleil a frappé à pleins rayons sur la porte de la tente – j’avais déjà constaté en pleine nuit que le ciel s’était dégagé – augurant une superbe journée. Elle le fut. Elle le fut parce qu’elle avait commencé par ce matin-là, et ta joie de petite fille à voir se miroiter le pic dans le lac, prenant son bain du matin. Il faisait doux, à peine frais, la nuit avait été exceptionnellement douce aussi, tout juste un peu de fraîcheur à l’aube, obligeant à remonter un peu le duvet. Je me suis assis à l’entrée de la tente, et je t’ai regardé avancer vers le lac, contempler le reflet et ce soleil déjà haut qui nous chauffait la face ne nous lâchant pas de tout le jour.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)

Alors j’ai songé que tous les matins du monde ne vaudraient jamais celui-ci, cette plénitude quasi absolue de bonheur et de félicité parfaite. L’impression d’être là à la bonne place, au milieu de ces montagnes aimées et connues, que toi aussi tu connais et reconnais désormais, puisque tu y dors... Tous les matins du monde, et tous les soirs aussi, puisque le deuxième fut le bon et il nous permis d’admirer le reflet de « Jean-Pierre » - ce « géant de pierre » - enflammé des derniers rayons du soleil, montagne de verre, montagne de feu, de pics et de pointes, dans l’eau sombre et calme, presque déjà endormie du lac Gentau.

Tous les matins du monde. Et tous les soirs aussi.

Tous les matins du monde (ne vaudront jamais celui-ci)
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